OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le prix de l’information http://owni.fr/2012/11/22/le-prix-de-l-information/ http://owni.fr/2012/11/22/le-prix-de-l-information/#comments Thu, 22 Nov 2012 11:56:24 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=126458

Without a Face, a portrait of the Soul - Photo CC by familymwr

“Information wants to be free”, vous vous souvenez ?

C’est sans toute l’une des phrases les plus célèbres prononcées à propos d’Internet. En 1984, l’auteur américain Stewart Brand lance au cours de la première Hacker’s Conference organisée en Californie :

Information wants to be free.

Ces mots deviendront l’un des slogans les plus forts du mouvement de la Culture libre et ils rencontrent encore aujourd’hui des échos importants, avec l’affaire WikiLeaks par exemple, les révolutions arabes ou le mouvement de l’Open Data. L’idée de base derrière cette formule consiste à souligner que l’information sous forme numérique tend nécessairement à circuler librement et c’est la nature même d’un réseau comme internet de favoriser cette libération.

Mais les choses sont en réalité un peu plus complexe et Stewart Brand dès l’origine avait parfaitement conscience que la libre circulation de l’information était une chose qui engendrerait des conflits :

D’un côté, l’information veut avoir un prix, parce qu’elle a tellement de valeur. Obtenir la bonne information au bon endroit peut juste changer toute votre vie. D’un autre côté, l’information veut être libre, parce que le coût pour la produire tend à devenir continuellement de plus en plus bas. Nous avons une lutte entre ces deux tendances.

Ce conflit latent traverse toute l’histoire d’Internet et il atteint aujourd’hui une forme de paroxysme qui éclate dans une affaire comme celle de la Lex Google.

Encapsuler l’information

Pour obliger le moteur de recherche à participer à leur financement, les éditeurs de presse en sont à demander au gouvernement de créer un nouveau droit voisin à leur profit, qui recouvrira les contenus qu’ils produisent et soumettra l’indexation, voire les simples liens hypertexte, à autorisation et à redevance.

Il est clair que si de telles propositions se transforment en loi dans ces termes, la première tendance de Stewart Brand aura remporté une victoire décisive sur l’autre et une grande partie des informations circulant sur Internet ne pourra plus être libre. La Lex Google bouleverserait en profondeur l’équilibre juridique du droit de l’information.

En effet, c’était jusqu’alors un principe de base que le droit d’auteur protège seulement les oeuvres de l’esprit, c’est-à-dire les créations originales ayant reçu un minimum de mise en forme. Cette notion est certes très vaste puisqu’elle englobe toutes les créations “quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination”, mais elle ne s’applique pas aux idées, aux données brutes et à l’information qui ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation et demeurent “de libre parcours”.

Une presse sans copyright

Une presse sans copyright

Les articles de presse doivent-ils être protégés par le droit d'auteur ? Ce n'est pas l'avis d'un récent arrêt d'une ...

Ces éléments forment un “fonds commun”, comme le dit le professeur Michel Vivant, dans lequel chacun peut venir puiser librement sans entrave pour alimenter ses propres réflexions et créations. Tout comme le domaine public, ce fonds commun joue un rôle primordial dans l’équilibre du système, afin que le droit d’auteur n’écrase pas d’autres valeurs fondamentales comme le droit à l’information ou la liberté d’expression.

Créer un droit voisin sur les contenus de presse reviendrait à “encapsuler” l’information dans une carapace juridique et à anéantir une grande partie de ce domaine public informationnel. L’information en elle-même, et non son expression sous forme d’articles, passerait subitement en mode propriétaire, avec même une mise en péril du simple droit à la citation.

À vrai dire, cette tendance à l’appropriation existe depuis longtemps. Elle s’est déjà manifestée par la création d’un droit des bases de données dans les années 90, dont l’application soulève de nombreuses difficultés. Des signes plus récents montrent qu’un revirement plus profond encore est en train de s’opérer dans la conception de la protection de l’information.

Les dépêches de l’AFP ont ainsi longtemps bénéficié d’une sorte de statut dérogatoire, comme si l’information brute qu’elle contenait et qu’elles étaient destinées à véhiculer primait sur le droit à la protection. Les juges considéraient traditionnellement que ces dépêches n’étaient pas suffisamment originales pour qu’on puisse leur appliquer un droit d’auteur, ce qui garantissait leur libre reprise. Mais l’AFP s’est efforcée de renverser le principe, en attaquant dès 2005 Google News devant les tribunaux, ce qui préfigurait d’ailleurs très largement les débats autour de la Lex Google.

Or en février 2010, le Tribunal de commerce de Paris a reconnu que les dépêches pouvaient présenter une certaine forme d’originalité susceptible d’être protégée :

[...] Attendu que les dépêches de l’AFP correspondent, par construction, à un choix des informations diffusées, à la suite le cas échéant de vérifications de sources, à une mise en forme qui, même si elle reste souvent simple, n’en présente pas moins une mise en perspective des faits, un effort de rédaction et de construction, le choix de certaines expressions [...]

L’affaire a été portée en appel, mais en attendant, l’information brute se trouve bien à nouveau recouverte par le droit d’auteur.

Demain, tous des parasites informationnels ?

Une affaire récente, qui a défrayé la chronique, va encore plus loin et elle pourrait bien avoir des retentissements importants, puisqu’elle tend à faire de chacun de nous des parasites en puissance de l’information, attaquables devant les tribunaux.

Jean-Marc Morandini vient en effet d’être condamné à verser 50 000 euros au journal Le Point, qui l’accusait de piller régulièrement la partie Médias 2.0 de son site, afin d’alimenter ses propres chroniques. Le jugement de la Cour d’Appel de Paris qui a prononcé cette condamnation est extrêmement intéressant à analyser, car il nous ramène au coeur de la tension autour de l’information libre formulée par Stewart Brand.

L’AFP peut-elle survivre au web et aux réseaux?

L’AFP peut-elle survivre au web et aux réseaux?

Institution de l'information, l'AFP traverse, comme beaucoup de médias, une phase de remise en question de son modèle ...

En effet, le juge commence logiquement par examiner si les articles repris sur Le Point peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur. Et là, surprise, sa réponse est négative, en vertu d’un raisonnement qui rappelle la position traditionnelle sur les dépêches AFP. La Cour estime en effet que les brèves figurant dans cette rubrique Medias 2.0 constituent des articles “sans prétention littéraire, ne permet[tant] pas à leur auteur, au demeurant inconnu, de manifester un véritable effort créatif lui permettant d’exprimer sa personnalité”. C’est dire donc qu’elles ne sont pas suffisamment originales pour entrer dans le champ du droit d’auteur, le journaliste qui les rédige (Emmanuel Berretta) se contentant de diffuser de l’information brute.

Nous sommes donc bien en dehors de la sphère de la contrefaçon, mais les juges ont tout de même estimé que Morandini méritait condamnation, sur la base du fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme. La Cour reconnaît que le journaliste imite Le Point “avec suffisamment de différences pour éviter le plagiat, notamment en modifiant les titres des brèves et articles repris”, mais elle ajoute qu’il tend ainsi ainsi “à s’approprier illégitimement une notoriété préexistante sans développer d’efforts intellectuels de recherches et d’études et sans les engagements financiers qui lui sont normalement liés”. Plus loin, elle explique qu’ “il ne suffit pas d’ouvrir une brève par la mention “Selon le journal Le Point” pour s’autoriser le pillage quasi systématique des informations de cet organe de presse, lesquelles sont nécessairement le fruit d’un investissement humain et financier considérable”.

On est donc en plein dans la première partie de la citation de Stewart Brand : “information wants to be expensive, because it’s so valuable”. L’avocat du Point commentait de son côté la décision en ces termes :

Qu’il y ait une circulation de l’information sur Internet, du buzz, des reprises…, c’est normal, c’est la vie du Web, reprend Me Le Gunehec. Nous l’avions dit franchement à la cour d’appel, et elle le sait bien. Mais elle a voulu rappeler qu’il y a une ligne jaune : se contenter de reprendre les informations des autres, sous une forme à peine démarquée, avec quelques retouches cosmétiques pour faire croire à une production maison, cela ne fait pas un modèle économique acceptable. Et on pourrait ajouter : surtout quand cette information est exclusive.

Cette dernière phrase est très importante. Ce qu’elle sous-entend, c’est que celui qui est à l’origine d’une information exclusive devrait pouvoir bénéficier d’un droit exclusif sur celle-ci pour pouvoir en contrôler la diffusion et la monétiser. La logique du droit jusqu’à présent était pourtant exactement inverse : pas de droit exclusif sur l’information elle-même…

Sans avoir aucune sympathie particulière pour Morandini, il faut considérer qu’un tel raisonnement peut aboutir à nous rendre tous peu ou prou des parasites de l’information, car nous passons notre temps à reprendre des informations piochées en ligne sur Internet. Certains commentaires ont d’ailleurs fait remarquer à juste titre que cette jurisprudence heurtait de front le développement des pratiques de curation de contenus en ligne.

Revendiquer un droit exclusif sur l’information brute elle-même, différent du droit d’auteur sur son expression, c’est d’une certaine façon courir le risque de permettre l’appropriation de la réalité elle-même. Qu’adviendrait-il d’un monde où l’information serait ainsi protégée ? Un monde où l’information est copyrightée ?

Paranoia - Photo CC byncsa perhapsiam

Science-fiction

Il se trouve que la science-fiction a déjà exploré cette possibilité et la vision qu’elle nous livre est assez troublante et donne beaucoup à réfléchir sur cette crispation que l’on constate à propos du droit de l’information.

Dans sa nouvelle d’anticipation “Le monde, tous droits réservés” figurant dans le recueil éponyme, l’auteur Claude Ecken imagine justement un mode dans lequel l’information pourrait être copyrightée et les conséquences que cette variation pourrait avoir sur les médias et la société dans son ensemble.

L’information « papier » est hors de prix

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Quelles sont les offres payantes en France tant en papier que sur le web et sont-elles attractives ? Marc Mentré nous livre ...

Dans un futur proche, l’auteur envisage que la loi a consacré la possibilité de déposer un copyright sur les évènements, d’une durée de 24 heures à une semaine, qui confère un droit exclusif de relater un fait, empêchant qu’un concurrent puisse le faire sans commettre un plagiat. A l’inverse de ce qui se passe aujourd’hui avec la reprise des dépêches des agences AFP ou Reuters, les organes de presse se livrent à une lutte sans merci pour être les premiers à dénicher un scoop sur lequel elles pourront déposer un copyright.

L’intérêt de la nouvelle est de développer dans le détail les implications juridiques et économiques d’un tel mécanisme. Les témoins directs d’un évènement (la victime d’une agression, par exemple) disposent d’un copyright qu’ils peuvent monnayer auprès des journalistes. Lorsqu’une catastrophe naturelle survient, comme un tremblement de terre, c’est cette fois le pays où l’évènement s’est produit qui détient les droits sur l’évènement, qu’elle vendra à la presse pour financer les secours et la reconstruction.

Et immanquablement, cette forme d’appropriation génère en retour des formes de piratage de l’information, de la part de groupuscules qui la mettent librement à la disposition de tous sous la forme d’attentats médiatiques, férocement réprimés par le pouvoir en place, ce qui rappelle étrangement l’affaire WikiLeaks, mais portée à l’échelle de l’information générale.

Si Claude Ecken s’applique à démontrer les dangers d’un tel système, il laisse aussi son héros en prendre la défense :

Avant la loi de 2018, les journaux d’information se répétaient tous. Leur spécificité était le filtre politique interprétant les nouvelles selon la tendance de leur parti. Il existait autant d’interprétations que de supports. Le plus souvent, aucun des rédacteurs n’avait vécu l’évènement : chacun se contentait des télex adressés par les agences de presse. On confondait journaliste et commentateur. Les trop nombreuses prises de position plaidaient en faveur d’une pluralité des sources mais cet argument perdit du poids à son tour : il y avait ressassement, affadissement et non plus diversité. L’information était banalisée au point d’être dévaluée, répétée en boucle à l’image d’un matraquage publicitaire, jusqu’à diluer les événements en une bouillie d’informations qui accompagnait l’individu tout au long de sa journée. Où était la noblesse du métier de journaliste ? Les nouvelles n’étaient qu’une toile de fond pour les médias, un espace d’animation dont on ne percevait plus très bien le rapport avec le réel. Il était temps de revaloriser l’information et ceux qui la faisaient. Il était temps de payer des droits d’auteur à ceux qui se mouillaient réellement pour raconter ce qui se passait à travers le monde.

Dans un commentaire de la décision rendue à propos de Morandini, on peut lire ceci : “Même sur Internet, le journaliste se doit d’aller chercher lui-même l’information !”. Vous voyez donc que l’on n’est plus très loin de l’histoire imaginée par Claude Ecken.

Eye of the Holder - Photo CC by familymwr retouchée par Owni

JO 2012 © : cauchemar cyberpunk

JO 2012 © : cauchemar cyberpunk

Dans la littérature cyberpunk, de grandes firmes ont supplanté l'État, qui leur a octroyé des pouvoirs exorbitants. Ce ...

Information wants to be free… c’était le rêve qu’avait fait la génération qui a assisté à la mise en place d’internet, puis du web, et ce rêve était beau. Mais la puissance de la pulsion appropriatrice est si forte que c’est une dystopie imaginée par la science-fiction qui est en train de devenir réalité, à la place de l’utopie d’une information libre et fluide. Avec l’information brute, c’est la réalité elle-même que l’on rend appropriable, ce qui rappelle également les dérives dramatiques que l’on avait pu constater lors des derniers Jeux Olympiques de Londres, à l’occasion desquels les autorités olympiques avaient défendu leurs droits exclusifs sur l’évènement avec une férocité alarmante.

Il existe pourtant une autre façon de concevoir les choses, à condition de quitter le prisme déformant des droits exclusifs. Au début de la polémique sur la Lex Google, j’avais en effet essayé de montrer que l’on peut appliquer le système de la légalisation du partage non-marchand aux contenus de presse et que si on le couple à la mise en place d’une contribution créative, il pourrait même assurer aux éditeurs et aux journalistes des revenus substantiels tout en garantissant la circulation de l’information et la liberté de référencer.

L’information veut être libre, mais il nous reste à le vouloir aussi.


“Without a Face, a portrait of the Soul”Photo CC [by] familymwr ; “paranoia”Photo CC [byncsa] perhapsiam ; “Eye of the Holder” – Photo CC [by] familymwr, retouchée par Owni.
Image de une : “La Gioconda avec Paper Bag”Photo CC [bync] Otto Magus.

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Comment travailler dans les médias chinois sans renier ses valeurs? http://owni.fr/2010/10/07/comment-travailler-dans-les-medias-chinois-sans-renier-ses-valeurs/ http://owni.fr/2010/10/07/comment-travailler-dans-les-medias-chinois-sans-renier-ses-valeurs/#comments Thu, 07 Oct 2010 14:15:10 +0000 Andy Yee Trad. Fabienne Der Hagopian http://owni.fr/?p=30648 Dans le monde conservateur des médias chinois, Zhang Ping (nom de plume Chang Ping) est de la race rare des libéraux. Garder une voix indépendante au cœur des média chinois lourdement censurés est un dilemme de fond et, comme le montre l’expérience de Chang Ping, demande souvent un certain sens du martyr.

Chang Ping a été rédacteur en chef au Southern Weekend et rédacteur en chef adjoint au Southern Metropolitan Weekly. Les deux journaux font partie du groupe Southern Media Group, dans lequel l’état est actionnaire, il appartient à une famille basée à Guangzhou, est connu pour ses prises de position agressives sur les sujets politiques sensibles et réputé l’un des bastions libéraux de la Chine pour les médias écrits.

En 2007, Chang Ping était nommé [en chinois ] l’un des chroniqueurs chinois les plus influents par le Southern Weekend.  En 2008, suite à la résurgence des manifestations anti-chinoises au Tibet, il a écrit plusieurs éditoriaux sur le Tibet, dont un papier controversé “Comment connaître la vérité sur Lhassa ?” , dans lequel il demandait au gouvernement d’accorder plus de liberté aux médias pour couvrir le Tibet.  Il a été licencié de son poste au Southern Metropolitan Weekly.

Selon le Projet sur les médias chinois, en août cet été, les autorités ont empêché Chang Ping d’écrire pour le Southern Weekend et le Southern Metropolitan Daily. Le dessinateur Kuang Biao décrit les mésaventures de Chang Ping dans une caricature montrant le journaliste étranglé de façon menaçante :

Quand j’ai appris la nouvelle il y a quelques jours,  j’étais en colère et  j’ai fait ce dessin !  J’ai dit que je voulais utiliser la caricature pour terminer ma carrière en témoignant sur ce que je vois dans notre société, parce que je suis un humoriste qui vit avec son temps.  Cette personne est réelle.  Et ses problèmes sont réels…  Il s’appelle Chang Ping.

Dans un entretien récent avec le journal taïwanais Wang Bao, Chang Ping s’interrogeait sur le conflit inné entre ses convictions libérales et le fait de travailler un secteur contrôlé par l’état.

Tentations dans les média chinois

De par leur pouvoir d’influence, les média sont souvent la cible de cooptation par le gouvernement chinois.  Chang Ping raconte ses réponses aux tentations du gouvernement :

Le secteur professionnel des médias en Chine n’est pas à plaindre. Il a beaucoup de pouvoir, surtout quand il est prêt à collaborer avec le gouvernement. Les dirigeants utilisent des tentations variées, comme des projets ou des bénéfices financiers discrets, à charge de revanche. Il y a quelques jours, un officiel du département de la propagande m’a invité à écrire un article pour eux, ce que j’ai refusé de faire.  En fait j’aurai pu discuter avec eux de quel ton donner à l’article pour que la propagande ne soit pas trop évidente et donner aux lecteurs la fausse impression que je voulais vraiment écrire cet article.  Il n’y a pas beaucoup de gens qui rejettent ces offres d’emblée comme moi.

Parce que les médias chinois ont beaucoup de pouvoir, les tentations de se laisser corrompre sont nombreuses. Il y a plusieurs forces qui s’opposent en ce moment. Le gouvernement veut offrir des avantages aux médias.  En même temps, de nombreux professionnels des médias, dont certains du Southern Media Group, se rebellent, juste pour pour pouvoir être cooptés. Ils seraient ravis d’être invités à diner par des officiels. Je fais très attention à la cooptation. Le refus des médias chinois n’est pas toujours noir et blanc et il est facile pour les médias de devenir un groupe d’intérêt.  Plutôt que de considérer les médias comme des pionniers, qui créent un espace de libre discussion, il serait plus important d’admettre leur tendance à se laisser corrompre.

Le conflit entre être un écrivain et être un officiel

La Chine est un pays où les systèmes administratifs sont très importants. Tout poste d’administrateur professionnel correspond à un rang officiel. Un rédacteur en chef dans un journal est donc l’équivalent d’un officiel et Chang Ping s’interroge sur le conflit entre ses écrits et le fait d’être un “officiel” :

Écrire et être un officiel est contradictoire.  Le secret du succès pour un officiel est de ne rien dire. C’est la différence avec une société démocratique, où s’exprimer est la norme. Quand un officiel chinois rejoint les rangs des hauts dirigeants, les médias disent souvent qu’il est très “secret”.  Il serait difficile d’imaginer qu’Obama soit une personne très secrète et  devienne soudain président des États-Unis sans que l’on sache rien sur lui.  En Chine, les officiels parlent peu, et cette caractéristique affecte toutes les professions.

Beaucoup de gens écrivent d’excellents papiers et c’est malheureux qu’ils arrêtent d’écrire.  A cause de la forte tendance à la bureaucratie, beaucoup de Chinois choisissent de devenir des officiels. Avec la plupart des ressources dévolues au système bureaucratique, les officiels profitent de nombreux avantages sans beaucoup de contrôle.

Ayant moi-même l’expérience des hauts et des bas, je connais ces contradictions. Selon l’expression consacrée, je n’ai pas “correctement contrôlé ma bouche”. J’ai besoin d’exprimer ce que je pense, et j’ai les moyens pour le faire. Je crois que ce qui manque dans les médias, ce ne sont pas des administrateurs mais des gens qui “font vraiment quelque chose”. Je suis prêt à y contribuer. J’ai choisi d’être éditeur parce que je voudrais améliorer la liberté de parole en Chine.

Tester les limites

Enfin, Chang Ping explique ses convictions et ses principes sur ce que  ce c’est d’être un journaliste dans un système autoritaire :

Je ne veux pas que mes articles soient complètement interdits en Chine.  Cela n’a pas vraiment de sens de n’écrire que pour les Américains.  Je voudrais que plus de Chinois puissent lire mes articles.  D’un autre côté, je ne peux pas me servir de cette excuse pour abandonner mes principes. Mais comme beaucoup de mes collègues au Southern Media Group, je ne me considère pas comme une force d’opposition au gouvernement, mais plutôt comme testant nos limites. Un système autoritaire n’est pas comme une société de droit, et les limites ne sont pas toujours claires. Il faut comprendre comment le pouvoir pense.

Quel espace avons-nous ? Personne ne sait, personne ne sait si on n’essaye pas.  Ce que j’essaye de faire, c’est d’élargir cet espace et ces limites. Mais c’est difficile.  Beaucoup de gens pensent que je m’attaque à un mur de pierre avec un œuf, et que je me surestime.

Mais je suis simplement mon caractère et mes convictions.  La censure des médias est parfois sévère et parfois plus laxiste. Quand elle est sévère, je ne peux même pas tenir ma position, et quand elle est laxiste, peut-être peut on aller plus loin.  Quoi qu’il en soit, je ne peux dire que ce que je peux dire.

Crédits photos cc FlickR quinn.anya, jiruan, SubZeroConsciousness.

Article initialement publié sur Global Voices.

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Hossein Derakhshan: la peine de mort plane sur “blogfather” http://owni.fr/2010/09/24/hossein-derakhshan/ http://owni.fr/2010/09/24/hossein-derakhshan/#comments Fri, 24 Sep 2010 13:18:30 +0000 Julien Goetz http://owni.fr/?p=29298 Journaliste et bloggueur irano-canadien de 35 ans, Hossein Derakhshan est emprisonné à Téhéran depuis maintenant 2 ans. Son procès qui a finalement débuté en juin 2010 a connu un nouvel épisode avant-hier (le 22 septembre) lorsque le procureur de Téhéran a requis la peine de mort à l’encontre d’Hossein. La décision est désormais entre les mains du juge qui préside la court. Face à ce nouveau rebondissement dans le procès, sa compagne, Sandrine Murcia, a lancé un appel à la communauté internationale :

Je lance un appel à la communauté internationale pour la libération de mon compagnon, Hossein Derakhshan, bloggeur et journaliste irano-canadien, surnommé Blogfather, arrêté en novembre 2008 et détenu à la prison de Evin, Téhéran, Iran depuis lors. Nous venons d’apprendre hier que le procureur de Téhéran a requis la peine de mort. Les jours qui viennent pourraient voir cette sentence confirmée par les autorités iraniennes, alors même qu’il n’a fait qu’exercer son métier de journaliste.
L’urgence est donc totale.
A l’heure où toutes les grandes nations se réunissent à New York, dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies, c’est au Président Ahmadinejad et à toute la communauté internationale, que je souhaite m’adresser pour qu’Hossein retrouve très vite la liberté, au nom des droits de l’homme et de la liberté d’expression des journalistes.

Vous pourrez également trouver sur le web une pétition en ligne ainsi qu’un groupe Facebook demandant sa libération.

Hossein Derakhsan est plus connu sous le nom de “Hoder”, la signature qu’il utilisait lorsqu’il avait encore la possibilité d’écrire sur son blog. Passionné par les nouveaux médias, il a commencé sa carrière de journaliste en Iran en 1999 au sein du titre réformiste “Asr-e-Azadegan”, littéralement “le temps des hommes libres”, où il écrivait à propos d’Internet et les nouvelles technologies. Après l’interdiction du journal, il continue d’écrire sur le même sujet, cette fois-ci pour le quotidien “Hayat-e-No”, “la Nouvelle Vie” (titre également interdit en 2008). La colonne qu’il y tient, titrée “Panjere-i-roo be hayaat” (“fenêtre sur cour”) en référence à Alfred Hitchcock, se transforme vite en une pleine page hebdomadaire.

A 25 ans, Hossein vit au rythme du Téhéran underground. C’est une ville qu’il adore pour son énergie débordante et créatrice notamment dans le milieu culturel dans lequel il navigue. Les années 2000 sont propices à toutes sortes de projets, on se réuni rapidement à deux ou trois, une idée fuse et devient vite un fanzine. Des envies qui sont malheureusement presque systématiquement étouffées par la censure. A peine lancés, les fanzines disparaissent. Hossein accepte le constat : il doit quitter Téhéran pour continuer à faire ce qui lui plaît librement. Comme bon nombre d’iraniens, il choisit d’immigrer au Canada et s’installe en décembre 2000 à Toronto.

“Blogfather”

Son envie de créer un blog en persan est présente déjà depuis quelques temps quand arrive le 11 septembre 2001 et l’attentat contre les tours jumelles du World Trade Center. L’événement le touche profondément et le pousse à lancer son blog sous le titre : “Sardabir : khodam” (Éditeur : moi-même). Il poste ses premiers écrits le 25 septembre 2001. Tous les textes sont en farsi – c’est ainsi que l’on appelle le persan en Iran – utilisant donc un alphabet particulier qui s’affiche sur toutes les plateformes grâce à la norme Unicode. Il décide de partager son expérience dans le domaine et rédige un manuel à l’attention des Iraniens : comment faire son blog en persan. Le succès est immédiat et en un mois plus se 100 blogs en persan apparaissent sur la toile. D’où le surnom qui lui a été donné : “blogfather”.

Hossein écrit sur de nombreux sujets et défini lui-même son blog comme “pop-culture”. Ses posts posent bien évidemment souvent un regard critique sur le régime en place à Téhéran mais il met ses réflexions politiques en perspective à travers le cinéma, la musique et d’autres angles culturels. Son souhait est de montrer à ses compratriotes qu’Internet est un lieu de partage et d’échanges à leur portée.

Comme beaucoup d’autres blogs, celui d’Hossein est filtré par les autorités iraniennes et donc inaccessible à l’intérieur des frontières à partir de 2004. Peu importe, il continu de publier ses écrits, c’est bien pour garder cette liberté qu’il avait quitté Téhéran quatre années plus tôt. En parallèle, il collabore pour des journaux comme le Guardian, Newsweek ou encore le New-York Times et participe à de nombreuses conférences sur les nouveaux médias.

Première arrestation

En 2005, il retourne à Téhéran pour les élections présidentielles. Il a son passeport canadien en poche bien que l’Iran ne reconnaisse pas la double nationalité. Alors qu’il s’apprête à reprendre l’avion pour Toronto, il est arrêté et interrogé pendant plusieurs jours sur ses activités. Pour clore le dossier et le laisser repartir, les autorités iraniennes lui demandent de signer une déclaration dans laquelle il renie ce qu’il a écrit jusqu’ici et où il prête allégeance au régime en place. Le tout en promettant bien sûr de ne jamais divulguer ce qu’il a vécu pendant ces quelques jours de détention. Hossein signe et quitte le pays.

A peine la frontière franchie, il s’empresse de relater sur son blog l’épisode qu’il vient de vivre en précisant bien qu’il ne cautionne absolument pas le texte qu’il a signé pour retrouver sa liberté. Il reprend son activité de bloggueur et de journaliste et décide en 2006 de faire un voyage en Israël, une décision qui peut lui coûter cher. Téhéran ne reconnaît pas l’État d’Israël et, pour le régime, tout voyage vers ce pays est assimilé à un crime de haute trahison.

Hossein ne change pas d’avis pour autant et se rend à deux reprises en Israël, notamment à Tel-Aviv. Surnommée “la ville qui ne dort jamais”, il y règne selon lui la même énergie débordante qu’à Téhéran. L’idée est simple, il veut montrer, grâce à ses carnets de voyages postés sur son blog, qu’iraniens et israéliens ne sont pas si différents. Il cherche aussi à faire découvrir à ses compatriotes ce qu’ils n’ont jamais pu voir, toujours cette envie d’ouvrir grand les yeux. Il se rend par exemple sur l’esplanade des mosquée et se filme avec sa petite caméra, expliquant en persan ce qu’il y a autour de lui. Il partage ensuite la vidéo sur son blog. C’est bien sûr une chose inédite : beaucoup d’iraniens n’ont jamais vus ces lieux.

Le second retour

En 2008, il décide de retourner à nouveau à Téhéran, cette fois-ci pour les 30 ans de la révolution. Il arrive sur le sol iranien à la mi-octobre, deux semaines plus tard, le 1er novembre, il est arrêté. Il n’a pas été libéré depuis. Les faits qui lui sont reprochés restent assez vagues. Il est question de “collaboration avec des gouvernements hostiles” ou encore “d’insultes aux symboles religieux”.

Cela peut faire référence aussi bien à ses voyages en Israël qu’aux écrits sur son blog. Blog sur lequel il avait un style s’approchant du langage parlé. En persan, notamment à l’écrit, il existe des formulations très précises et des règles strictes pour évoquer certaines figures religieuses. Hossein ayant choisi d’utiliser une écriture plus directe n’a pas systématiquement suivi ces règles mais jamais il ne s’est montré insultant. Malgré cela, c’est sans doute en partie ce qui lui est reproché aujourd’hui.

Ses écrits ont d’ailleurs disparu. Holder.com son blog d’origine ainsi que holderiniran.com qu’il avait créé à l’automne 2008 pour raconter son retour à Téhéran, ne sont plus accessibles faute de renouvellement de l’hébergement. Malgré de nombreuses tentatives de la part de sa compagne Sabine Murcia pour préserver les deux blogs, l’hébergeur n’a rien voulu entendre et pour l’instant on ne sait pas si les archives ont été supprimées. Le mieux serait encore qu’Hossein retrouve sa liberté et puisse à nouveau écrire prochainement, à condition que la peine de mort qui pèse actuellement sur ses épaules soit écartée par le juge iranien qui rendra prochainement sa décision.

Photos et illustrations CC FlickR : lamthuyvo, kamshots, for-hossein

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Je veux être journaliste dans un pays privé de liberté de la presse http://owni.fr/2010/06/11/je-veux-etre-journaliste-dans-un-pays-prive-de-liberte-de-la-presse/ http://owni.fr/2010/06/11/je-veux-etre-journaliste-dans-un-pays-prive-de-liberte-de-la-presse/#comments Fri, 11 Jun 2010 11:44:53 +0000 Anastasia Lévy http://owni.fr/?p=18266 Dragana Bozic a 21 ans. En deuxième année d’école de journalisme en Bosnie-Herzégovine, à Banja Luka, elle commence aujourd’hui l’équivalent d’un contrat de remplacement à Alternative TV (ATV), une des chaînes les plus indépendantes du pays.

Mais de contrat justement, elle n’en aura pas : “Je suis censée être là pour un mois, et si ça se passe bien, peut-être jusqu’à octobre. Mais je ne sais pas si je serai payée”, raconte-t-elle en gardant sa bonne humeur imperturbable.

Le salaire minimum pour les journalistes, c’est 270 KM, marks convertibles, soit 135 euros par mois, mais sans contrat, on ne peut pas savoir.

Les seuls journalistes correctement payés dans ce pays sont ceux qui travaillent pour une des trois chaînes publiques, qui reçoivent de l’argent des gouvernements.

Les gouvernements, ce sont le gouvernement d’État de la Bosnie-Herzégovine, et ceux des deux entités qui composent le pays, la République serbe au nord, dont Banja Luka est la capitale, et la Fédération croato-bosniaque au sud. A Banja Luka, la télévision officielle, c’est la RTRS, qui vit injectée des capitaux du SNSD, le parti au pouvoir.

A Banja Luka, la première chaîne de télévision du pays, la RTRS (à gauche), est la marionnette du gouvernement (à droite)

Dragana, elle, déteste la RTRS, et fustige sa promiscuité avec le parti, sans avoir les moyens de s’en passer : “L’année prochaine, je dois faire un stage dans leur service radio”.

Quand elle ne travaille pas, Dragana passe des heures au café avec son meilleur ami, Miloš Lukic, un étudiant de 3ème année de l’école de journalisme, avec qui elle s’écharpe sur la politique. Miloš a sa carte au SNSD, mais admet tout de même, un peu embarrassé, que la chaîne de télévision la plus regardée de la Republika Srpska ne pourrait pas critiquer le gouvernement.

Sans trouver les autres meilleures :

Aujourd’hui que le SNSD est au pouvoir, tout le monde dit que la RTRS est trop proche du pouvoir. Mais jusqu’en 2006, quand le SDS était au pouvoir, et que la RTRS le critiquait, tout le monde la trouvait indépendante

C’est ça, le problème de la liberté de la presse en Bosnie. Chaque parti a son réseau de médias à son service, et lui donne les moyens. Les autres médias n’ont pas d’argent, et vivent comme ils peuvent, c’est-à-dire mal. “Parfois à ATV”, explique Dragana, “les rédacteurs donnent de l’argent à leurs collègues pour qu’ils puissent terminer leurs reportages”.

Quand on demande à ces jeunes s’ils pensent que la situation pourrait changer bientôt, ils arborent tous une moue dubitative. Pourquoi vouloir être journaliste alors, quand on sait qu’on ne pourra pas exercer son métier librement?

“Je pense que la nouvelle génération, nous, essaye de changer les choses”, explique Nevena Vrzin, étudiante en journalisme et qui travaille au journal Nezavisne Novine.

J’espère qu’un jour nous aurons tous le courage de nous lever et de dire ‘je veux travailler comme ça et pas autrement’. Mais il faut travailler, vivre, et les idéaux disparaissent quand il faut manger.

Nezavisne Novine, ça veut dire “journal indépendant”. Créé au début des années 90 avec le soutien de Milorad Dodik, jeune politicien de l’époque et aujourd’hui… Premier ministre de la Republika Srpska et président du SNSD, le journal n’est “évidemment pas objectif” lance Miloš.

En 1999, le propriétaire du journal, Zeyko Kopanja, perd ses jambes dans un attentat : l’affaire est étouffée, et personne n’est jugé. Tout le monde a sa théorie sur le coupable : pour Milos, ce serait un proche de Radovan Karadzic, l’ancien homme politique accusé de génocide, fondateur du parti SDS, concurrent du SNSD. “Tout ça fait partie d’un système général de corruption, de toute la société. Il faut que toute la classe politique change pour que les médias changent”, estime le jeune homme.

Nevena, elle, a trouvé sa parade : “Ne pas travailler dans les rubriques politiques des journaux. Moi je suis en culture, je dis ce que je veux”. Avant d’admettre : “Parfois, quand des événements culturels sont liés à Dodik et au ministère de la culture, je suis obligée de les couvrir”. Miloš, passionné de politique, voit ça comme un défi : “C’est à moi de protéger mon indépendance. C’est un challenge pour moi”.

Son grand frère Luka, étudiant en philosophie, conclut :

Tu peux publier n’importe quelle histoire ici. Mais pas dans n’importe quel journal

Images CC FLickr par yoshiffles

En savoir plus: le projet des étudiants du CUEJ en Bosnie ainsi que celui des étudiants du CELSA

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http://owni.fr/2010/06/11/je-veux-etre-journaliste-dans-un-pays-prive-de-liberte-de-la-presse/feed/ 2
Liberté d’expression: défendre Le Monde, Twitter et Facebook ! http://owni.fr/2010/04/02/liberte-dexpression-defendre-le-monde-twitter-et-facebook/ http://owni.fr/2010/04/02/liberte-dexpression-defendre-le-monde-twitter-et-facebook/#comments Fri, 02 Apr 2010 11:55:44 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=11416 Étonnant, voire inquiétant ! Pratiquement aucun journaliste média ou société n’est venu ce matin couvrir la conférence de presse à Paris de RSF et de la Quadrature du Net intitulée Liberté de la presse, liberté numérique : deux combats inséparables ?”.

Il y a donc du chemin à faire, comme le dit Damien Van Achter, de la RTBF !

Pourtant, assure Jean-François Julliard, directeur de Reporters Sans Frontières, “nous ne faisons pas de différence entre les anciens et les nouveaux médias. Ce sont deux combats qui vont de pair. Nous défendons autant Le Monde que Twitter ou Facebook”

“Et nous sommes inquiets de la montée de la censure sur Internet qui sévit désormais dans un tiers des pays de la planète. Il n’y a pas que la Chine ou le Vietnam. Nous sommes inquiets de la répression sur les “Net citoyens”, gens qui bloguent et qu’on met en prison”.

Aujourd’hui, il y a 180 journalistes en prison et 120 Net citoyens. Dans un an ou deux, il y aura plus de Net citoyens que de journalistes. Cela prend une importance croissante.”

Lors de cette conférence, organisée par l’Association des journalistes européens, Julliard a cité deux pays mis sous surveillance: la Turquie et la Russie, où “l’Internet était plus libre que les médias traditionnels, mais qui sont en train de basculer, en raison d’une prise de conscience tardive” de l’audience supérieure des blogs par rapport aux médias traditionnels.

D’ailleurs, “beaucoup de gens sur Internet accordent plus de confiance à des blogueurs qu’ils connaissent qu’à des journalistes qu’ils ne connaissent pas”

Il a évoqué aussi l’Australie et l’Italie, comme pays ayant pris très récemment des mesures de restriction de la liberté d’expression.

Jérémie Zimmermann, co-fondateur et porte-parole de la Quadrature du Net, “organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet”, est encore plus virulent : “nous sommes confrontés à une tendance lourde de restriction des libertés numériques”: liberté d’accès à l’Internet (Hadopi, Loppsi…), filtrage ou suppression des contenus en ligne, entraves à la neutralité du net par les opérateurs téléphoniques (Paquet Télécom européen), négociations en cours entre 39 pays riches pour lutter contre la contrefaçon (ACTA).

Pour lui, “Le Monde, Twitter ou Facebook n’entrent pas dans la même catégorie. Le premier est un média, les autres sont des outils”, comme le téléphone. Mais “avant, c’était le journaliste, le filtre, aujourd’hui les rôles sont éclatés”. “D’où un changement radical dans la manière d’informer” et de nouveaux défis à l’échelle de la planète pour la liberté d’expression.

Aujourd’hui, les héros journalistes de Zimmermann sont sur le site Wikileaks qui publie de nombreux documents explosifs (il annonce des révélations sur le guerre en Irak qui y seront publiées le 5 avril) et le pays le plus avancé, l’Islande, dont le parlement élabore actuellement “les meilleures lois pour protéger journalistes et internautes”.

Billet publié initialement sur AFP-MediaWatch

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http://owni.fr/2010/04/02/liberte-dexpression-defendre-le-monde-twitter-et-facebook/feed/ 1
#RSF et le web : histoires de « libertés » http://owni.fr/2010/01/02/rsf-et-le-web-histoires-de-%c2%ab-libertes-%c2%bb/ http://owni.fr/2010/01/02/rsf-et-le-web-histoires-de-%c2%ab-libertes-%c2%bb/#comments Sat, 02 Jan 2010 15:30:26 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=6629 prison-2-450x338

Dans le rapport annuel sur la liberté de la presse, le Web a désormais voix au chapitre des atteintes à la liberté, aux libertés individuelles. Le nombre de blogueurs enchristés est en constante augmentation. Cyberdissidents et internautes derrière les barreaux : le web est de plus en plus sous coupe réglée.

108 : nombre de dissidents en taule pour avoir osé s’exprimer dans un monde 2.0 ne connaissant pas le nom démocratie. Depuis 2002, Reporters Sans Frontières tient à jour la liste des internautes revendiquant une opinion allant à l’encontre des régimes sous lesquels ils vivent.

La liberté d’expression quasi-totale que l’on trouve sur le Net reste pour beaucoup une utopie, un impossible, du fait de la surveillance extrême mise en place par de nombreux états.

En 2009, 151 citoyens ont été victimes de censures gouvernementales, puis arrêtés. La criminalisation de la libre parole sur le Net est de plus en plus réelle. L’Iran, La chine, l’Egypte, la Birmanie, le Vietnam, l’Azerbaïdjan, le Maroc sont en tête de liste des régimes préférant utiliser le web à des fins d’épuration intellectuelle.

Exprimer une opinion divergente dans ces pays dont certains sont prétendument démocratiques, le Maroc par exemple, revient à prendre le risque majeur de finir au fond d’une geôle pour apprendre le sens du mot “obéissance”, de ce que signifie  “liberté”, liberté au sens dictatorial ou impérial. Ce qui souvent revient au même dans le cas de Mohammed VI, ami des démocraties occidentales et du commerce touristique. Déranger le calme de ce type de régime ou porter atteinte à l’image du dirigeant, potentat local omniscient et omnipotent, devient synonyme de discrimination. La contestation n’a pas lieu d’être. La liberté d’expression : n’en parlons pas.
» Kareem Amer, en taule en Egypte, nouveau procès en appel refusé.
» Zarganar : trente-quatre ans à passer dans les geôles Birmanes.
» Hu Jia et Liu Xiaobo, Wu Yilong: blogueurs : en prison en Chine.
» Nguyen Trung et Dieu Cay : emprisonnés par le régime Vietnamien.
» Adnan Hadjizade et Emin Milli, deux ans de prison en Azerbaïdjan pour avoir émis quelques caricatures de la caste politique au pouvoir.
» El Bachir Hazzan : prison depuis décembre dernier au Maroc.

Et la liste est longue encore des prétendus dissidents. Les Iraniens défendant la démocratie sont, eux, assassinés. Omidreza Mirsayafi tenait un blog sur la musique traditionnelle persane… mais de temps en temps, des satires émaillaient son blog. Condamné à mort pour avoir voulu s’exprimer librement.

De plus en plus de pays censurent le web ; outre ceux déjà cités, il convient d’ajouter  la Tunisie, la Thaïlande, l’Arabie saoudite et l’Ouzbékistan. L’internet turkmène, encore une grande démocratie, reste sous le contrôle de l’État, la Corée du Sud allongeant la liste…

Le web 2.0 devient de plus en plus souvent une taule 2.0, ou deux poings à zéro dans la tronche des blogueurs. Voir l’évolution des pays démocratiques comme la Corée du Sud maintenant à tort en détention un Coréen ayant critiqué sur son blog la situation économique et politique catastrophique de son pays donne une idée des combats qu’il nous reste à mener pour que cette sphère de libertés phénoménales ne deviennent pas un monde de mises en taule potentielles.

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http://owni.fr/2010/01/02/rsf-et-le-web-histoires-de-%c2%ab-libertes-%c2%bb/feed/ 3