Orange trop susceptible pour la justice

Le 24 janvier 2012

Vendredi dernier, le Tribunal de commerce de Paris a ordonné à Orange de verser 50 000 euros de dédommagement, pour une procédure un peu abusive contre les pubs de Numericable, comme le détaille le jugement que nous mettons en ligne. Les pubs évoquaient de façon détournée l'existence d'une entente entre opérateurs mobiles. Très agaçant.


Le Tribunal de commerce de Paris vient de débouter le groupe Orange d’une plainte qu’il avait déposée contre Numericable et l’a condamné à verser 50 000 euros de frais de justice à son concurrent. L’opérateur historique avait assigné Numericable en mars dernier pour diffusion de “publicités trompeuses” et “dénigrantes”. Deux spots TV étaient visés, chacun illustrant un faux congrès d’opérateurs – dont la mise en scène pouvait évoquer l’existence d’une entente entre les géants de la téléphonie mobile.

Pratiques douteuses

Orange n’est pas cité une seule fois au cours de la vidéo, qui dure moins de trente secondes et s’inscrit dans le registre de la caricature. Elle ne compare même pas l’offre de Numericable à celles de ses concurrents. Interrogé à ce sujet, le président de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), Stéphane Martin, se souvient avoir donné un “avis favorable” à la diffusion de ce spot. Même s’il acquiesce qu’ “une publicité taquinant la concurrence peut amener à différentes formes de réaction”, et donc nécessite un examen plus rigoureux, il n’aurait pas imaginé que celle-ci amènerait Numericable devant le tribunal.

OWNI s’est procuré le jugement rendu vendredi dernier (en intégralité ci-dessous). Les arguments d’Orange s’articulent autour de deux axes. Premièrement, l’opérateur dénonce le “dénigrement” dont il a été victime à travers la diffusion de ces spots. Pour réparer ce préjudice moral, il demande à Numericable de verser un euro symbolique. Deuxième axe, les “pratiques commerciales douteuses” de Numericable. Orange accuse son concurrent de ne pas avoir précisé l’intégralité de son offre mobile “dans des conditions de lisibilité et d’intelligibilité égales” aux siennes. En dédommagement, la société réclame cinq millions d’euros.

Parodie

Selon Édouard Barreiro, de l’Union fédérale des consommateurs Que Choisir, cette action entreprise par Orange est inhabituelle :

Les procédures entre opérateurs impliquant le dénigrement sont assez rares. Ils se dénoncent plutôt sur des closes de contrats et des procédures engageant l’Autorité de la concurrence.

Les magistrats ont débouté les demandes d’Orange une par une. “La publicité incriminée de Numericable est conforme à la jurisprudence […] qui admet largement l’exagération, l’emploi de l’humour et les hyperboles”. L’argument d’Orange sur le dénigrement n’a pas, non plus, résisté à l’examen : “Pour qualifier un dénigrement selon la jurisprudence, encore faut-il qu’un concurrent en particulier soit désigné ou clairement identifiable”. Or, Numericable n’en a désigné aucun.

Comme l’indique le jugement, la vidéo de Numericable est une “parodie faisant intervenir des concurrents n’ayant à l’évidence aucun point commun avec les vrais opérateurs du marché”. D’ailleurs, Orange est le seul à avoir intenté une action en justice. SFR, Bouygues Telecom se sont, eux, abstenus. Contacté dans le cadre de cet article, le groupe Orange nous a indiqué qu’il réfléchissait à l’éventualité de faire appel de ce jugement.

Orange, susceptible sélectif ?

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

Lors du lancement de son offre mobile le 10 janvier dernier, le patron de Free Xavier Niel s’était montré particulièrement virulent à l’encontre des trois opérateurs se partageant jusque là le gâteau du mobile. Dans une vidéo introductive, Free rentrait dans le lard de ses rivaux, évoquant explicitement le “lobbying intense”, la “désinformation”, le travail de “désintox”, les “chausse-trapes” et “peaux de bananes” qui ont jalonné l’entrée de Free dans “l’univers impitoyable du mobile”. Et mettait en doute la fin de l’entente pour laquelle les opérateurs avait été condamnés en 2005 :

[…] les trois grand opérateurs français qui se partagent le pactole du téléphone mobile ont-ils vraiment fait amende honorable ? Rien n’est moins sûr.

Free se moque de ses concurrents montrés comme… par Nouvelobs

Le patron d’Orange Stéphane Richard a beau se dire “révolté” par le discours de Xavier Niel, évoquant un “show indigne qui a noyé les Français dans une désinformation”, aucune action contre Free ne serait “à l’ordre du jour”, assure le service presse d’Orange. Et de couper court : “il ne faut pas dresser de parallèles entre les deux affaires.”

Certes peu amène avec ses concurrents, Xavier Niel n’en a pas moins épargné Stéphane Richard en le remerciant au terme de son show de lancement. Il déclarait dans le même temps que seuls sa marque et Orange étaient “légitimes” sur le marché mobile : “Parce qu’Orange est rassurant pour mes parents, pour des gens comme cela. Orange est la marque historique, c’est France Télécom, c’est rassurant, nous, on représente à côté l’innovation.”

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